Dégustation de vin ch’ti : le Charbonnay
Dégustation en présence du vigneron, samedi 23 avril 2016, de 15h00 à 19h00.
Terril n°9 de la fosse « 2 bis », à Haillicourt, dans le Pas-de-Calais.
Sur le versant sud de la montagne noire, se dressent fièrement 2000 valeureux pieds de chardonnay.
La vision de ces vignes parfaitement alignées, trônant en plein cœur des houillères, est surréaliste.
Mais qui donc a eu cette idée folle, un jour de planter cet improbable vignoble ?
Un pari qui n’est pas si fou que ça…
Olivier Pucek est un enfant du pays, né aux pieds de cet imposant et majestueux vestige. Il est aujourd’hui propriétaire d’un vignoble en Charentes.
Descendant d’une famille de mineurs, ce vigneron Ch’ti est resté viscéralement attaché à ce paysage culturel, classé patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO en 2012.
De l’observation, une solide expertise, une patience à tout épreuve, beaucoup d’envie et un brin de folie. Voici la recette qui a germé dans la tête d’Olivier et qui a permis à ce projet hors-norme d’éclore.
Certes le climat manque quelque peu d’ensoleillement. Mais Olivier compte sur le sol pour pallier le déficit de chaleur.
C’est en 2011 qu’il décide d’y planter 30 ares de vignes avec Henri Jammet, un vigneron charentais de renommée, réputé pour ses étonnants vins blancs à base de chardonnay.
Le chardonnay est vigoureux et polyvalent, capable de fournir un moyen d’expression à n’importe quel terroir. Il s’adapte idéalement aux climats frais et constitue un cadre dans lequel nos deux vignerons vont pouvoir s’exprimer.
Ce grand cépage a donc été choisi pour produire ce vin de terril, un cru minier qui sera naturellement nommé Charbonnay.
Les qualités d’un grand terroir
La vigne préfère largement les sols pauvres.
Ça tombe bien car le sol schisteux et charbonneux du terril haillicourtois est non seulement ingras et peu fertile, mais aussi sec car particulièrement perméable et drainant. Il faut dire que le dénivelé flirte avec les 80%!
Les premiers pieds sont plantés entre 50 et 90 mètres d’altitude.
La vigne qui pour se nourrir est obligée de plonger profondément ses racines sous terre, bénéficie d’une bonne photosynthèse grâce à la chaleur accumulée et restituée par les gravats sombres de l’exploitation minière.
Le terril émet même des fumerolles à son sommet.
L’implantation à flancs de coteaux, sur des versants abrupts et orientés plein sud, permet de capter le maximum de lumière disponible. Tout est donc réuni pour compenser le manque d’ensoleillement de la région.
Le vent se révèle particulièrement actif dans les hauteurs de la colline artificielle. Il a un effet asséchant, protège la plante du mildiou et de la pourriture grise et permet de produire de beaux raisins, à l’état sanitaire remarquable.
Une micro production, pour l’instant interdite à la vente
Grâce à son exigence, son audace et son originalité, le projet d’Olivier et de Henri a brillamment réussit à faire parler de lui dans le milieu du vin.
Lors d’une dégustation à l’aveugle réalisée en février 2016, le Charbonnay a tenu la dragée haute à de prestigieux vins blancs en se classant parmi les vins préférés des amateurs et des professionnels présents.
L’aventure haillicourtoise a même eu des répercussions médiatiques outre-Manche, notamment via la BBC.
Pourtant la production actuelle du vignoble est anecdotique en quantité, puisque elle atteint à peine 300 bouteilles.
Qui plus est, Charbonnay n’est pas autorisé à être commercialisé.
En effet, le Pas-de-Calais est considéré par l’INAO comme un territoire non viticole, tout comme par exemple le Finistère et l’Eure-et-Loir qui sont privés du droit de commercialiser le vin de leurs terres.
Cette restriction devrait néanmoins être bientôt levée, une mesure votée par Bruxelles autorisant dorénavant la commercialisation de vins produits dans n’importe quelle région.
Vous l’aurez compris, ce projet me tient particulièrement à coeur car il a le mérite de participer à la sauvegarde de la mémoire de la région. C’est pour cette raison que je tiens à vous le faire découvrir et surtout à vous le faire déguster!
Ayant réussit à obtenir une seule et unique bouteille, je vous propose de partager avec vous ce précieux flacon, en présence d’Olivier qui nous fera également goûter ses vins charentais, délicieux jus emprunts de fraîcheur et de tension.
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